Jean de Kervasdoué : « Le principe de précaution est idiot ! »

Charges françaises inutiles et chômage garanti !

Après avoir lu ce livre de Jean de Kervasdoué « ils ont perdu la raison », vous n’aurez plus aucun complexe à rouler en diesel, à ingurgiter des OGM, à utiliser des pesticides dans votre jardin ou à défendre l’énergie nucléaire ! Cet ouvrage dénonce le politiquement correct et la folie de nos gouvernants qui s’évertuent à suivre les modes, même si cela peut nuire à la santé des Français ou à l’économie nationale… Jean de Kervasdoué est titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et membre de l’Académie des technologies. Ingénieur agronome de l’Institut national agronomique Paris-Grignon, il a également un MBA et un doctorat en socio-économie de l’Université de Cornell aux États-Unis. Nommé Directeur des Hôpitaux par François Mitterrand en 1983, Jean de Kervasdoué est à l’origine de la réforme du mode de financement des hôpitaux publics et du programme de médicalisation des systèmes d’information. Professeur au CNAM, il a publié de nombreux ouvrages et articles scientifiques et il s’insurge contre la désinformation en matière de santé. Dans son dernier livre, il critique ses camarades socialistes qui ne croient plus au progrès : « Comme pour les gouvernements précédents, l’émotion dicte un agenda politique ballotté par les sondages. Les sophistes règnent, ils ne cherchent qu’à convaincre et font peu de cas du vrai. Jusqu’à quand ? La France s’isole. Sa compétitivité baisse du fait de règlements nombreux et trop souvent injustifiés. Pendant ce temps, le progrès scientifique galope ailleurs et nos scientifiques, contraints, vont travailler sous d’autres cieux ». « Ils ont perdu la raison » de Jean de Kervasdoué est publié chez Robert Laffont.


L’Hebdo-Bourseplus : On découvre d’abord dans votre livre que les politiques ne nous gouvernent pas en fonction des idées et de la vision stratégique qu’ils ont pour la France, mais en fonction de l’opinion publique. Et ils sont parfois amenés à prendre des initiatives dont ils savent eux-mêmes que ce ne sont pas de bonnes décisions : mais comme c’est dans le vent, eh bien, il faut le faire…

Jean de Kervasdoué : C’est cela, la triste nouveauté… Si je suis vivant, à bientôt 70 ans, si l’espérance de vie augmente, s’il n’y a pratiquement plus de mortalité périnatale, si chaque personne qui naît peut connaître sa descendance, c’est grâce à la science et aux progrès techniques. Aujourd’hui, ce qui nous arrive collectivement, c’est que nous sommes dirigés par des sophistes de droite et de gauche. Platon disait, il y a déjà 2500 ans, qu’il ne fallait jamais discuter avec eux, parce que leur problème n’est pas la vérité : leur problème est de vous convaincre. Aujourd’hui, cela s’appelle sondages d’opinion, marketing politique, etc. Donc, ils font fi de la vérité… Dans le livre, je cite le Président Sarkozy à qui l’un de mes amis disait : «Monsieur le Président, votre position sur les OGM est intenable…» Il lui a répondu : «Je sais que vous avez raison, mais les Français croient que c’est dangereux !» C’est vraiment une phrase de sophiste, comme lorsqu’il s’agit de nous faire croire que l’on pourra baisser les parts du nucléaire à 50% en 2025 sans augmenter de manière considérable la facture d’électricité des Français !

Ségolène Royal a-t-elle lu votre livre ? Que pensez-vous de ses propositions ?

Elles sont prudentes, puisqu’elle a la sagesse de ne pas parler de Fessenheim qui est une centrale qui pourrait encore fonctionner et dont le seul argument, d’ailleurs, pour son démantèlement, n’est pas qu’elle soit dangereuse ou obsolète, mais que cela permettrait à la France d’acquérir un savoir-faire qu’elle a déjà acquis en Bretagne avec Brennilis, c’est-à-dire celui de la fermeture des centrales et de la reconstruction. Mais quand elle reprend les engagements du Président de la République sur 50% de nucléaire en 2025, je peux parier que cela ne se produira pas et que c’est tout simplement impossible. L’énergie électrique française est essentiellement décarbonée, donc elle ne rejette pas de CO2 à 90%. Nous émettons par kilowatt fabriqué neuf fois moins de gaz carbonique que l’Allemagne ! Peut-être qu’en 2050 – mais je n’y crois pas – l’Allemagne aura un rejet identique. Pendant longtemps, on a mis l’Allemagne en exergue avec ses sources alternatives d’électricité et tout le monde s’aperçoit que c’est une catastrophe. Non seulement cela coûte cher, les Allemands paient 80% de plus leurs notes d’électricité que nous, mais ils accroissent le rejet de gaz carbonique et ils accroissent le rejet de charbon… Le seul moyen de descendre à 50% de nucléaire serait de construire des centrales thermiques au charbon, ce qui n’est pas vraiment écologique…

Parmi les grandes mesures phares annoncées par Ségolène Royal, figure ce fameux plan de covoiturage dans les entreprises : n’est-ce pas finalement le symbole de la mesure gadget ?

Oui… En même temps, cela nous ramène au débat sur la liberté : l’automobile a quelques inconvénients, mais elle a aussi de nombreux avantages. Elle nous rend libres de nos déplacements, elle nous rend libres des contraintes et c’est une liberté que nous chérissons tous. À force d’ajouter des contraintes, la France est le pays aux 400 000 décrets, bien entendu contradictoires et inapplicables. J’évoque par exemple la question des colonies de vacances…

C’est très révélateur, vous avez pris conscience de cela l’été dernier…

Oui, l’été dernier, j’étais en vacances avec mes petits-enfants et mes enfants, et j’entendais à la radio que 50% des enfants français ne partaient pas en vacances. Lorsque j’étais enfant à Perros-Guirec, il y avait des colonies de vacances et je me suis demandé : « Pourquoi les enfants des milieux modestes ne vont-ils plus en colonie de vacances ?» J’ai téléphoné à de très grandes entreprises qui, historiquement, avaient des colonies de vacances. J’ai eu des personnes compétentes et, chaque fois, elles m’ont fait exactement la même réflexion : «C’est bien que vous nous téléphoniez, parce que nous venons de les fermer». Alors, on vient de les fermer pour trois raisons. La première, ce sont les normes en matière de bâtiments. L’un d’entre eux m’a dit : «On a un château qui est très bien, justement, au bord de la mer. On l’entretient, mais avec les nouvelles normes, on nous demandait six millions d’euros de travaux, alors que l’on a 150 enfants pendant six à huit semaines par an. Donc, c’est vraiment très cher». La seconde, c’est que l’on professionnalise le métier de moniteur : ils doivent être professeurs de natation, ils doivent savoir jouer au tennis, au volley-ball, au football… La troisième, c’est que du fait des procès liés à la protection de l’enfance et des procès possibles pour des motifs soit réels, soit allégués, les jeunes garçons ou les jeunes filles n’ont plus très envie d’être moniteurs dans des colonies de vacances… La somme de ces trois raisons est intéressante : à force de surprotéger les enfants en colonie de vacances, eh bien, les colonies de vacances disparaissent ! C’est d’ailleurs la même chose en matière de travail. À force de surprotéger le travail, le travail disparaît !

Le principe de précaution est sacralisé en France et l’on ne peut plus rien faire. Comment convaincre les politiques de réfléchir sur les conséquences néfastes du principe de précaution ?

Le principe de précaution, on ne sait pas ce que c’est, il peut être invoqué à n’importe quel moment. C’est l’opinion qui définit les conditions d’invocation du principe de précaution. Je pense tout simplement qu’il est idiot ! C’est un qualificatif un peu fort, mais il dit que dans les cas d’événements incertains, il faut prendre des mesures proportionnées. Mon argument est d’une très grande simplicité : quand c’est incertain, cela le demeure ; donc, cela ne peut pas être proportionné…. Au moment du débat sur la grippe H1N1, on a débattu sur le fait de savoir si l’on utilisait des vaccins avec un adjuvant à base d’aluminium et on a dit qu’en application du principe de précaution, on réservait les vaccins sans adjuvant aux femmes enceintes et aux bébés. Donc, tout le monde a compris, ce qui n’est pas vrai, que le vaccin avec adjuvant était dangereux. Comme tout le monde avait compris cela, au moment de l’hiver 2011-2012, plus d’un million de personnes, surtout des femmes, d’ailleurs, ne se sont pas fait vacciner, parce qu’elles craignaient les conséquences du vaccin. Comme il y a eu une très mauvaise épidémie de grippe en février 2012, les personnes qui n’étaient pas vaccinées n’étaient pas protégées et on a eu une surmortalité féminine importante. Pour la première fois, du fait du principe de précaution, en 2012, l’espérance de vie des femmes en France n’a pas augmenté.

On ne mesure pas encore véritablement les effets de ce principe de précaution sur notre économie…

Écoutez les débats sur les bisphénols ! Le parlement, qui a une légitimité démocratique, s’arroge une compétence scientifique dans laquelle il s’emmêle totalement les pieds. Théoriquement, nous sommes les seuls au monde à appliquer une réglementation très stricte à partir du 1er janvier 2015 sur, non seulement la présence, mais aussi la fabrication – de boîtes de conserve notamment – du bisphénol… Cela veut dire, s’il n’y a pas de modification : 2 milliards d’euros de production industrielle de moins au 1er janvier 2015 ! Pour la santé, l’Académie de médecine a fait un excellent rapport sur ce sujet, très prudent, et elle dit : « Dans certains cas, on peut effectivement faire attention, mais il n’y a pas de produit meilleur que le bisphénol pour l’usage que l’on en fait et il est donc prudent d’attendre». Vous voyez que la peur conduit à ce que l’on s’intéresse aux risques comme si la vie n’était pas risquée et absolument pas aux avantages…

Propos recueillis par Yannick URRIEN

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